La jeunesse de Louis XIV (qui rit au Tartuffe de Molière, quand les dévots le décrient violemment) donne l'image d'un souverain modérément pieux. Dans la force de l'âge, il affichera davantage sa piété. Pourtant, il ne fait pas de doute que très tôt, Louis XIV avait compris l'importance de la gloire chrétienne et de l'obéissance religieuse pour son métier de roi.
L'absolutisme repose clairement sur une monarchie de droit divin, fortement théorisée par Bossuet dans sa Politique tirée de l'Écriture sainte. Soucieux de défendre l'unité de foi de son royaume, attentif à préserver son autorité sur l'Église de France, Louis XIV n'hésite pas à s'opposer à la papauté, ni à lutter contre jansénistes et protestants.
L'association étroite entre l'Église et l'État fait de toute "hérésie" une dissidence séditieuse. À son avènement, le roi est déjà très hostile aux jansénistes (ces "calvinistes rebouillis" comme les appelle Mazarin), dont le loyalisme et "l'esprit de nouveauté" lui paraissent suspects.
Pour réduire ces catholiques austères et pessimistes à l'obéissance, le Conseil du roi exige en avril 1661 la signature par les prêtres, les religieux et les religieuses d'un formulaire désavouant la doctrine janséniste. L'opposition à ce formulaire rencontre un écho même au sein de l'épiscopat, pourtant traditionnellement bien contrôlé par la monarchie, qui a coutume d'y placer ses fidèles. En 1668, la paix de l'Église met provisoirement fin aux controverses publiques, mais ne règle rien sur le fond.
Jusqu'à l'expulsion des religieuses et à la destruction du couvent en 1709-1710, Port-Royal-des-Champs constitue le foyer de rayonnement de la doctrine de l'évêque Jansénius, et surtout du "second jansénisme", inspiré des thèses du père oratorien
Quesnel. Inquiet et toujours aussi hostile, Louis XIV obtient du pape une condamnation du jansénisme (bulle Unigenitus, 1713) qui suscite aussitôt une vive opposition en France. La querelle, qui n'est pas éteinte à la mort du roi, agitera encore les esprits au XVIIIe siècle.
Dans les années 1690, le roi vieillissant pourra escompter de Rome un certain soutien à sa politique religieuse. Mais, auparavant, l'affirmation de son indépendance lui vaut de vifs conflits avec le pape.
L'affaire de la régale, en 1673, en est l'un des plus sérieux: pour des raisons fiscales, le roi décide d'étendre à l'ensemble du royaume son droit, jusqu'alors limité, d'administrer les revenus des diocèses en cas de vacance du siège épiscopal.
L'intransigeance du pape Innocent XI lui permet d'exploiter le gallicanisme du clergé de France. Avec la déclaration dite "des Quatre Articles", l'assemblée du clergé de 1682 proclame la supériorité du concile sur le pape, la nécessité de défendre les "libertés gallicanes" et l'indépendance absolue du roi envers Rome.
Avec la mort d'Innocent XI, en 1689, la fin du conflit peut être envisagée; une réconciliation, souhaitée par Versailles, s'amorce.
Les protestants ont également à souffrir de l'autoritarisme de Louis le Grand. Dans ses Mémoires, le roi affirme vouloir maintenir la tolérance envers les réformés dans les "plus étroites bornes" permises par l'édit de Nantes (1598), revu par celui d'Alès (1629).
Malgré le loyalisme des huguenots pendant la Fronde, le protestantisme (minoritaire mais représenté dans tous les milieux, de la haute noblesse à la paysannerie) reste en effet une anomalie aux yeux de la plupart des catholiques, qui croient à l'unité de foi du royaume.
La période 1661-1679 voit l'application restrictive de l'édit de Nantes. Cependant, la multiplication des tracasseries et des vexations ne ramène au catholicisme que quelques milliers de convertis. De 1679 à octobre 1685, quand est signé l'édit de Fontainebleau (qui révoque celui de Nantes), la politique de Louis XIV se durcit. En vérité, le roi a besoin d'apparaître comme le champion du catholicisme à l'heure où l'empereur Léopold Ier vient de défaire les Turcs assiégeant Vienne (1683), ce qui lui a procuré un immense prestige en Europe.
En outre, depuis la guerre de Hollande, Louis se heurte à la coalition des puissances protestantes (Angleterre, Provinces-Unies), traditionnels soutiens des huguenots français. Enfin, Colbert, partisan de la tolérance, car il connaît le poids des réformés dans l'économie du royaume, meurt en 1683.
Il laisse le champ libre au clan Le Tellier-Louvois, adepte de la manière forte. Progressivement vidée de toute substance par les interdits, la "république protestante" succombe aux dragonnades, lancées en 1680 dans le Sud-Ouest, qui provoquent des centaines de milliers de conversions forcées. Presque tout le monde applaudit, sauf Vauban. Un monarque absolu peut-il être le maître des consciences?
Quoi qu'en disent les thuriféraires du souverain, les effets de ce despotisme religieux sont éminemment discutables. La révocation de l'édit de Nantes, en 1685, fait perdre au royaume environ 200 000 réformés: ils partent enrichir l'Europe protestante. Le "refuge huguenot" de Hollande contribue à la diffusion d'une virulente propagande hostile à Louis XIV.
En outre, sur le plan diplomatique, la France s'aliène les puissances protestantes, sans être certaine du ralliement des catholiques – compte tenu de sa politique expansionniste. La résistance passive des "nouveaux convertis" et plus encore la révolte des camisards dans les Cévennes (1702-1705), en pleine guerre de la Succession d'Espagne, montrent que le fait protestant est irréductible. Il faudra attendre 1787 pour que revienne la tolérance.
"J'ai trop aimé la guerre", avoue le roi sur son lit de mort. De 1661 à 1715, on compte seulement vingt-trois années de paix, pour trente et une années de guerres. La véritable motivation du roi (au-delà du renforcement des frontières du royaume, de la défense du catholicisme, voire de la lutte contre les ambitions espagnoles) est la volonté d'affirmer et d'accroître la suprématie française en Europe. Louis le Grand se croit et se veut le monarque le plus puissant de la Terre, comme le proclame sa devise: Nec pluribus impar ("Non inégal à plusieurs").
Le roi a le goût des armes: il aime passer en revue ses troupes, n'hésite pas à paraître à la tête de ses armées – comme lors des sièges de la guerre de Dévolution. Il bénéficie du concours de ministres, de chefs militaires et d'ingénieurs brillants, du moins dans la première partie de son règne. Turenne, conseiller écouté jusqu'à sa mort, en 1675, et le Grand Condé, qui disparaît en 1686, sont deux des plus grands hommes de guerre de l'époque.
La réorganisation des troupes, sous l'égide de Le Tellier puis de son fils Louvois, donne à Louis XIV la première armée européenne, les moyens militaires de sa volonté de gloire: les effectifs augmentent rapidement, passant de 72 000 hommes en 1667 à plus de 200 000 en 1680; la discipline est renforcée, l'entretien des soldats amélioré (magasins de vivres pour éviter les pillages; construction d'hôpitaux militaires; hôtel des Invalides créé en 1674), l'armement modernisé (généralisation du fusil et de la baïonnette, grenades); l'artillerie devient un corps spécialisé.
En 1672, Vauban, commissaire général aux fortifications, est mis à la tête du Génie. En quarante ans, il dirige avec succès une cinquantaine de sièges et fortifie sur le pourtour du royaume près de 300 places. "Ville assiégée par Vauban, ville prise; ville fortifiée par Vauban, ville imprenable", disait-on alors.
Enfin, même s'il n'a guère le pied marin, le roi soutient Colbert et son fils Seignelay dans leurs efforts pour donner au royaume une marine capable de rivaliser avec les Hollandais et les Anglais. Et, jusque dans les années 1690, au cœur de la guerre de la ligue d'Augsbourg, les escadres françaises à l'offensive remportent d'éclatants succès.
Lorsque Louis XIV monte sur le trône, les traités de Westphalie (1648) et des Pyrénées (1659) viennent de donner à la France, alors alliée à l'Angleterre, à la Suède et aux Provinces-Unies, la suprématie sur des adversaires impériaux et espagnols épuisés: "Tout était calme en tous lieux [...]. La paix était établie avec mes voisins vraisemblablement pour aussi longtemps que je le voudrais moi-même", constate-t-il.
Dès 1661, le jeune roi manifeste son intention de faire reconnaître à l'Europe entière la prééminence absolue de la couronne de France. En 1661 et 1662, deux querelles de préséance, l'une avec l'ambassadeur d'Espagne au sujet de son rang dans un cortège officiel face à l'ambassadeur de France, l'autre à la cour du pape, donnent la mesure de la superbe royale. Au-delà de ces affirmations symboliques, la véritable suprématie viendra des armes.
La mort, en 1665, de Philippe IV d'Espagne, auquel succède le chétif Charles II, est l'occasion pour Louis XIV de revendiquer une partie de l'héritage espagnol au nom de la reine de France Marie-Thérèse, fille de Philippe IV et petite-fille, par sa mère, de Henri IV. Après avoir envahi sans difficulté les Pays-Bas espagnols et mené une brillante campagne, le roi obtient au traité d'Aix-la-Chapelle (1668) onze places du Nord, dont Lille, qu'il s'empresse de faire fortifier par Vauban.
Mais cette avance française inquiète les Provinces-Unies, alors première puissance économique d'Europe et bientôt considérées comme l'adversaire à abattre. Dès 1667, la guerre commerciale avait éclaté, spécialement tournée contre la Hollande, avec l'adoption d'un tarif douanier frappant lourdement les importations étrangères.
Après quatre années de préparation diplomatique et militaire, Louis XIV attaque puis envahit les Provinces-Unies, qui résistent opiniâtrement et réussissent à coaliser contre la France l'Empire, l'Espagne et la Lorraine. En 1678-1679, la paix de Nimègue consacre la victoire française sur terre et sur mer: l'Espagne doit céder la Franche-Comté et plusieurs villes des Flandres, du Hainaut et de l'Artois; le royaume de Louis dispose ainsi désormais d'une frontière continue au nord-est. Dans le même temps, la France consolide son emprise sur l'Alsace, face à l'Empire.
Louis XIV, qui défend la Suède contre le Brandebourg, en 1679, apparaît comme l'arbitre de l'Europe. Pourtant, il n'a pas tiré une vengeance éclatante de la Hollande, qui est sortie de la guerre certes épuisée, mais libérée du tarif douanier de 1667.
Après 1679, le roi poursuit son avantage en exploitant toutes les ambiguïtés des traités permettant le rattachement à la France de dépendances des territoires acquis récemment. Cette politique de "réunions", illustrée en 1681 par la capitulation de Strasbourg, jusqu'alors ville libre, inquiète les puissances européennes, qui commencent à nouer des alliances.
La poussée turque sur Vienne détourne un moment l'attention vers les confins orientaux de la chrétienté menacée, mais la victoire du Kahlenberg (1683), acquise sans participation de Louis XIV, illustre la puissance et le prestige retrouvés des Habsbourg. Peu soucieux de prendre la tête d'une sainte ligue contre les Turcs, Louis a risqué l'isolement de son royaume. En 1684 pourtant, avec la trêve de Ratisbonne, l'Espagne et l'Empire reconnaissent à la France la jouissance de ses réunions pour une durée de vingt ans.
C'est le point culminant de l'expansion française, "l'apogée de ce règne", dira Saint-Simon.