Quatre ans après Ratisbonne, la guerre de la ligue d'Augsbourg éclate. Louis XIV avait en effet fait valoir dès 1685 ses revendications sur le Palatinat (la Princesse Palatine, épouse de Monsieur, était la sœur de l'Électeur défunt), fait élire son candidat comme archevêque de Cologne en 1687 et révoqué l'édit de Nantes en 1685: autant de provocations à l'égard des Impériaux, et de maladresses vis-à-vis des puissances protestantes.
L'essor du commerce colonial et maritime français suscite en outre, en Angleterre, le mécontentement du monde des affaires et du Parlement, de plus en plus hostile au roi catholique Jacques II Stuart, allié de Louis XIV.
Lorsque, à l'automne 1688, les armées françaises envahissent Cologne et dévastent le Palatinat, le Roi-Soleil s'engage dans une partie difficile. Il se trouve face à la ligue d'Augsbourg, laquelle réunit depuis 1686 l'empereur, de nombreux princes d'Empire, les souverains d'Espagne et de Suède, que rejoint en 1688 Guillaume d'Orange, le chef des Provinces-Unies, qui deviendra roi d'Angleterre à l'issue de la "glorieuse révolution" en 1689.
L'équilibre des forces fait durer longtemps ce conflit, au cours duquel la France traverse la grave crise démographique de 1693-1694. Pour sauver l'essentiel, Louis XIV, qui n'a pas été véritablement vaincu, rend les "réunions" aux traités de Ryswick (1697), mais conserve Strasbourg et obtient la vallée de la Sarre.
Quoique épuisée, la France peut amorcer un redressement assez rapide au cours des quelques années de répit qui suivent, et ce dans une conjoncture cependant très médiocre. Mais la mort de Charles II d'Espagne, en 1700, pose une nouvelle fois la question de l'équilibre européen et conduit à la guerre la plus difficile du règne.
La santé déclinante de Charles II, roi sans postérité, avait aiguisé les convoitises des diverses puissances sur l'immense Empire espagnol (Espagne, Pays-Bas, Amérique, Milanais, Naples, Sicile...).
En 1698, un traité de partage de la succession d'Espagne avait été signé entre la France, l'Angleterre et les Provinces-Unies, où Louis faisait preuve de modération en envisageant l'octroi au Grand Dauphin de seulement quelques territoires.
Mais Charles II ne reconnut pas ces partages et, pour éviter le démembrement de ses possessions, choisit comme unique héritier, en octobre 1700, le second petit-fils de Louis XIV, Philippe, duc d'Anjou, à condition qu'il renonçât au trône de France. Louis XIV devait-il accepter le testament du roi d'Espagne, au risque de déclencher une nouvelle guerre ?
Les considérations dynastiques, le désir de voir un Bourbon sur le trône espagnol et de mettre fin au vieil encerclement des Habsbourg l'emportèrent.
L'aspiration à la paix des peuples d'Europe, éprouvés par tant de conflits, retient sans doute l'Angleterre et les Provinces-Unies, qui reconnaissent l'héritier désigné par Charles, Philippe V. Mais les provocations de Louis XIV conduisent très vite à la guerre généralisée. Au début de l'année 1701, il fait proclamer le maintien des droits de Philippe V à la couronne de France.
Plus inquiétant pour les intérêts du bloc anglo-hollandais, alors en pleine compétition impérialiste, la France se fait accorder des privilèges importants dans les colonies espagnoles. Au printemps de 1702, toutes les puissances européennes, grandes ou petites, réunies dans la Grande Alliance de La Haye, déclarent la guerre à la France et à l'Espagne.
Après quelques succès initiaux, Français et Espagnols subissent de nombreux revers. Cette fois, la coalition aligne des chefs militaires de valeur, comme l'Anglais Marlborough ou le prince Eugène de Savoie, face à un Villars dont le talent n'égale pas celui de Turenne ni celui du Grand Condé. Après 1704, la liste des défaites s'allonge; 1708, l'une des plus sombres années, avec la chute de Lille, voit revenir le spectre de l'invasion.
Le terrible hiver de 1709 aggrave la situation d'un royaume que les impôts écrasent et que menace la famine. Décidé à traiter, le roi ne peut cependant accepter les trop lourdes exigences des coalisés: destruction de Dunkerque, perte des villes du Nord, de Strasbourg et de l'Alsace et, surtout, aide militaire de la France pour chasser Philippe V du trône d'Espagne.
Désormais arc-boutées sur la ceinture de fer de Vauban, les armées françaises tiennent à peu près le sol national; la victoire de Villaviciosa sur les Anglo-Autrichiens, en 1710, et surtout la lassitude de l'opinion publique anglaise rendent enfin possibles les négociations de paix. Les tergiversations de l'Empire et des Pays-Bas laissent même le temps à la France de remporter la victoire de Denain (1712), grâce à quoi elle obtient des conditions inespérées: Louis XIV signe les traités d'Utrecht (1713) et de Rastatt (1714), aux termes desquels l'Espagne perd ses possessions italiennes (Milanais, Naples, Sicile) et les Pays-Bas, mais Philippe V reste roi.
La France doit restituer plusieurs villes flamandes, mais conserve ses frontières de 1697. Elle abandonne Terre-Neuve, la baie d'Hudson, l'Acadie, prélude à la perte totale du Canada (1763). L'Angleterre triomphe; elle obtient maints avantages économiques qui vont lui assurer la primauté coloniale et maritime.
En 1661, la prépondérance française s'imposait à l'Europe; en 1714 est venu le temps de l'équilibre européen entre l'Angleterre, l'Autriche et la France d'un très vieux roi.
La France de 1715 sort territorialement agrandie des guerres de Louis XIV, mais ses finances sont exsangues. La fin du règne, marquée par les deuils royaux (des descendants du roi, seul subsiste un arrière-petit-fils né en 1710), sombre dans la tristesse. L'Examen de conscience d'un roi (1711), œuvre de l'évêque Fénelon, les rapports des intendants, les mémoires des curés dressent le tableau d'un royaume désolé et d'une effroyable misère paysanne. Dans les campagnes et dans les ports, des forces préparent pourtant le retour de l'expansion. Au-delà de la vie difficile de 20 millions de Français, que reste-t-il d'un si long règne?
Le siècle de Louis XIV est identifié au rayonnement de la civilisation française, au triomphe du classicisme dans les lettres (Boileau, l'Art poétique, 1674), dans les arts figuratifs et dans l'architecture, même s'il faut rappeler que tous les grands esprits de l'époque ne sont pas français (Locke, Leibniz, Spinoza), et que le baroque trouve à s'épanouir ailleurs, en Autriche ou en Espagne.
La politique de grandeur du roi s'est accompagnée d'une politique prestigieuse de mécénat, dans la droite ligne de celle pratiquée par Richelieu et Mazarin: Corneille, Molière, Racine, Lully, les peintres Le Brun et Mignard, Mansart, pour ne citer que ces noms-là, illustrent la dévotion pour le "beau" et l'intensité créatrice de l'époque.
Les Académies (de peinture et sculpture, 1655; des inscriptions, 1663; des sciences, 1666; d'architecture, 1671), créées à l'imitation de l'Académie française, constituent des foyers d'élaboration des règles classiques et de rayonnement d'un art officiel tout entier tourné vers le gloire monarchique.
Le "siècle de Louis XIV" (expression forgée par Voltaire) désigne aussi un modèle politique. Quand il meurt, le 1er septembre 1715, le vieux roi laisse à la France une solide armature administrative, fortement centralisée. Son image de grandeur militaire, dynastique, politique est enviée par de nombreux souverains; pourtant, son mépris des contingences financières et l'aveuglement auquel l'orgueil le conduisit parfois altérèrent cette image vers la fin de sa vie.
Dans une sphère aristocratique limitée, l'absolutisme est critiqué. La réaction aristocratique, animée notamment par Fénelon (les Tables de Chaulnes, 1711), fera de la Régence une monarchie contrôlée par les états généraux et les corps. À la fin du règne également, le dirigisme de Colbert n'est plus épargné ni par les négociants ni par les partisans du libéralisme (Boisguilbert), et Vauban, disgracié, pointe durement les inégalités du système fiscal (Projet d'une dîme royale, 1707).
Les temps de l'obéissance absolue ne sont pas totalement révolus, mais la persistance des tensions religieuses, l'essor de la curiosité scientifique, la vulgarisation du rationalisme cartésien (Fontenelle, Pierre Bayle) nourrissent la montée d'un esprit critique promis à un bel avenir.
Le siècle de Louis XIV est marqué par la prédominance du classicisme, que la volonté royale impose dans tous les domaines. Pour la réalisation de la colonnade du Louvre, le Roi-Soleil préférera au projet baroque (pourtant relativement assagi) du Bernin la rigueur d'un Claude Perrault. Versailles, dont les travaux se poursuivront pendant presque tout le règne (puis au-delà), sera regardé comme un modèle à la fois de grandeur et de "bon goût", imité à travers toute l'Europe.
Après la disgrâce de Fouquet, "ses" artistes, qui ont travaillé à Vaux-le-Vicomte, mais aussi au château de Saint-Mandé (détruit depuis) (Le Vau, Le Brun, Le Nôtre, mais aussi le sculpteur Puget), œuvreront pour la plus grande gloire du roi; Molière sera chargé des divertissements royaux (seul La Fontaine, fidèle au surintendant, sera tenu à l'écart de la faveur royale, même si, auteur classique par excellence, il contribue largement à la défense d'une esthétique voulue par le roi).
Mécène complet, Fouquet avait sa propre manufacture de tapisserie, dirigée par Le Brun, à Maincy: Louis XIV saisit tant les œuvres que les artisans et confie à Le Brun l'organisation de la manufacture royale des Gobelins, qui produira, outre des tapisseries, des meubles et des pièces d'orfèvrerie, et contribuera à orienter le style des arts décoratifs en général.
Les arts sont par ailleurs soumis aux normes établies par l'Académie royale de peinture et de sculpture, voulue par Mazarin à l'exemple de l'Académie française, qui, elle, régit les lettres, depuis sa création par Richelieu en 1634.
Les salons, à l'imitation de celui de la marquise de Rambouillet, se développent considérablement: on aime à s'y rencontrer entre gens de goût, à discuter les arguments des uns et des autres; on y commente aussi les revues et les journaux (le Journal des savants, la Gazette ou le Mercure), les pièces de théâtre qui se jouent à l'hôtel de Bourgogne ou au Palais-Royal; on s'y entretient de la nouvelle troupe de la Comédie-Française, fondée aux environs de 1680 par la fusion des diverses compagnies.
Et, bien entendu, on y parle aussi de littérature, dont l'idéal classique trouve sa plus grandiose expression sous Louis XIV. Boileau en formule les règles: il faut choisir ses modèles dans l'Antiquité, atteindre à l'universel en s'appuyant sur la raison, contenir les passions brutales par un parfait contrôle de soi.
Molière, qui bénéficie de la protection royale, donne ses lettres de noblesse à la comédie, tandis que, dans le domaine de la tragédie, Racine détrône Corneille, et que Mme de Sévigné, Bossuet, La Rochefoucauld, Mme de La Fayette donnent aux lettres françaises des pages parmi les plus brillantes. Vers la fin du règne, La Bruyère et Fénelon, par leur liberté de ton, par leurs attaques contre l'absolutisme, ouvrent une ère nouvelle.
Le roi pensionne largement écrivains et artistes, mais à la condition qu'ils contribuent à sa gloire. Il n'hésite pas à distribuer des pensions aux étrangers, qu'il cherche à attirer en France, où séjourne, par exemple, le physicien hollandais Huygens de 1665 à 1680. La pensée scientifique s'incarne alors dans Descartes, qui vécut avant le règne personnel de Louis XIV mais dont l'influence sera grande, et dans Pascal, deux savants qui se heurtèrent toutefois à l'absolutisme en raison de leur liberté de pensée.
La cour fait grand usage de musique, tant pour la chapelle que pour les divertissements royaux; elle est illustrée par Jean-Baptiste Lully (qui, outre sa collaboration, parfois orageuse, avec Molière pour des comédies-ballets, sera le créateur de l'opéra en France) par François Couperin et par Michel Delalande.